L’accès à l’enseignement supérieur en France

Marie-Françoise Fave-Bonnet

Université Paris Ouest Nanterre La Défense



Resume

La situation de l’accueil des étudiants en France se caractérise par plusieurs facteurs :

-          Un secteur non sélectif dans les universités (en dehors des filières professionnelles) et un secteur plus ou moins sélectif, des Grandes Ecoles à toutes sortes d’établissements, la plupart sous statut privé. Cette complexité du système rend l’orientation après le baccalauréat difficile pour les étudiants

-          Un réel effort financier de l’Etat pour les étudiants avec des bourses, des allocations logement, etc. Mais cet effort pour démocratiser l’enseignement supérieur n’a pas fait disparaitre les inégalités sociales d’accès, car tout est déjà joué dès l’enseignement secondaire.

-          De plus, les représentations sur les filières et les établissements restent fortes, et « l’auto-sélection » se poursuit, en particulier pour les filles.

De ce fait, l’accueil des étudiants est très différent selon les filières : l’université accueille mal ses étudiants souvent mal orientés et peu motivés, et les Grandes et petites écoles, qui ont plus de moyens, peuvent mieux accueillir et former des étudiants sélectionnés et motivés.



Mots cles

France, Démocratisation, Inégalités, Enseignement Supérieur, Bourses.



Introduction

Présenter l’accès à l’enseignement supérieur d’un pays nécessite de dresser un panorama rapide de la situation de l’enseignement supérieur dans celui-ci, mais aussi de ce qui se passe en amont, c'est-à-dire dans l’enseignement secondaire. Penser l’éducation dans un continuum menant de bac-3 à bac+3 semble désormais faire consensus en France. Cette formule simple (bac-3, bac+3), claire, facile à retenir, est adoptée depuis 2011 à la fois par les acteurs du système éducatif et par ceux qui en parlent, les journalistes (Endrizzi 2013).

Le système français se caractérise par le développement considérable de politiques qui favorisent la démocratisation de l’accès, mais aussi par la persistance d’un accès inégalitaire à l’enseignement supérieur selon les établissements, filières, etc.

En effet, de nombreux facteurs conditionnent cet accès :

- les politiques d’enseignement supérieur, qu’elles soient nationales, mais aussi internationales. En ce qui concerne la France, les politiques européennes, depuis le Processus de Bologne, sont déterminantes.

- la sélectivité des formations : une des caractéristiques de la France est un accès sans sélection pour tous les bacheliers dans une grande partie des filières de l’université, et une sélection sur dossiers ou concours dans le reste de l’enseignement supérieur.

- les débouchés possibles (donc les différences entre les disciplines et les domaines) qui influencent les choix des étudiants.

- le cout des formations et les aides possibles pour les étudiants

- l’offre de formation, les modalités d’accès (sans examen d’entrée, par la validation des acquis professionnels (VAP) ou des acquis de l’expérience (VAE) par la formation continue, par un enseignement à distance, etc.)

Il faut aussi examiner les modalités d’accès géographiques : en France, les nouveaux bacheliers sont orientés dans les différentes filières d’enseignement supérieur par un système d’inscription informatique (APB) d’admission post-bac.

Cet article présentera donc d’abord le système complexe de l’enseignement supérieur, les différences d’effectifs selon les établissements et les filières, le poids du type de baccalauréat, les modalités d’inscription et différents modes d’accès à l’enseignement supérieur. Puis les déterminants des choix d’orientation seront analysés : origine sociale, origine étrangère, déterminants de genre. Enfin les politiques d’aides aux étudiants seront examinés : l’investissement important pour les étudiants ne parvient pas à compenser les inégalités d’accès.

 

Un système complexe d’établissements et de filières...

Pour comprendre la complexité de la structure de l’enseignement supérieur en France, on peut adopter différents points de vue. Il y a d’abord la séparation historique entre Universités et Grandes Écoles, celles-ci existant hors des universités depuis la fin du XVIIIème siècle. Schématiquement, cette séparation permet de distinguer les universités qui accueillent tous les titulaires d’un baccalauréat, et les Grandes (et petites) Écoles qui sélectionnent leurs futurs étudiants par un concours d’entrée. Les classes préparatoires aux Grandes Écoles (CPGE), annexées aux lycées mais sélectives, ont pour objectif de préparer en deux ans à ces concours[1].

Un autre point de vue peut être la séparation entre les universités (essentiellement sous statut public) et les écoles (essentiellement sous statut privé). Les universités sont publiques (sauf 3 catholiques) et les Grandes Écoles sont essentiellement privées (certaines reçoivent des fonds publics comme l’ENA (École Nationale d’Administration), l’élite des grands corps de l’État, ou Polytechnique, sous statut militaire. Cette séparation entre public et privé permet de distinguer les couts d’inscription entre les universités aux taux d’inscription peu élevés et réglementés, de toutes les autres écoles de statut privé : écoles d’ingénieurs, de commerce, de travail social, d’infirmières, d’art, etc. Les tarifs d’inscription permettent de dresser un palmarès des filières, des moins prisées aux plus prestigieuses...

Un dernier point de vue peut être la séparation, à l’intérieur des universités, entre filières sélectives (sur dossiers) et filières non-sélectives. En effet, si la majorité des formations générales sont accessibles avec le seul baccalauréat, les formations professionnelles à l’université sont sélectives : c’est le cas des DUT (2 ans après le bac.) préparés dans les IUT (Instituts Universitaires de Technologie) rattachés aux universités. C’est le cas des licences professionnelles (bac+3), des masters professionnels (sélectifs pour leur 2ème année)[2], et des doctorats.

Vu de l’extérieur, l’enseignement supérieur français semble « ouvert ». Mais en réalité, seule une partie de l’université l’est aux bacheliers : les écoles (Grandes ou petites) sont sélectives et onéreuses.

 

Les effectifs étudiants

Une progression constante dans l’enseignement supérieur

Aujourd’hui, il n’y a jamais eu autant d’étudiants en France. Leur nombre s’établissait à la rentrée 2012 à 2.347.370 contre un peu moins de 2.280.000 en 2007. Le creux démographique réel n’a eu qu’un effet relatif de baisse ou de stagnation sur deux rentrées et la hausse des effectifs a repris dès 2009. Entre 2009 et 2012, les effectifs ont progressé de 3% regagnant environ 70.000 étudiants.

Ce phénomène, qui va à l’encontre de la démographie puisque la fin du creux démographique  était prévue pour 2012 s’explique pour trois raisons.

Premièrement, la démocratisation de l’enseignement supérieur poursuit son chemin, avec une augmentation du taux de réussite au Bac, une hausse du taux de poursuite d’étude et enfin l’arrivée des Bac professionnels dont le nombre progresse considérablement dans l’enseignement supérieur et en particulier par la voie de l’apprentissage (47%).

Deuxième cause, le remplacement du personnel de santé partant à la retraite, les effectifs sont en forte progression que ce soit en Médecine ou en Pharmacie.

Enfin, la hausse importante des étudiants en mobilité internationale, dont le chiffre a augmenté de 8% entre 2009 et 2011, et s’établissait à la rentrée 2012 à un peu moins de 290.000 étudiants. Soulignons que cette tendance n’est pas propre à la France, ni à l’Europe d’ailleurs mais est une réalité planétaire (+19%). 

Cette hausse des effectifs se fait avec de nouvelles populations socialement plus diverses, le développement de nouvelles formes d’études supérieures comme l’apprentissage, l’accueil d’étudiants venant de pays variés hors de la zone d’influence traditionnelle de la France, en particulier chinois... l’ouverture de l’enseignement supérieur se poursuit ! En effet, à part une baisse continue des effectifs des formations générales universitaires au profit des écoles spécialisées, les filières sélectives traditionnelles restent stables.

 

Une différenciation  de croissance selon les filières

Le nombre d’étudiants inscrits dans les universités s'élève à 1.498.200 en 2013-2014, soit une hausse de 2,4% par rapport à 2012-2013, selon les données provisoires publiées par le ministère de l'Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche le 03/04/2014. Les effectifs sont en hausse dans les cursus licence (+2,5%) et master (+2,8%), et diminuent, au même rythme que l’année précédente, en cursus doctorat (-1,3%). Les jeunes continuent à « tenter leurs chances », même s’ils connaissent les taux d’échecs importants de ces filières.

L’augmentation des effectifs demeure particulièrement élevée pour les écoles de commerce reconnues et les écoles d’ingénieurs. La diminution des effectifs amorcée il y a deux ans pour les instituts universitaires de technologie se confirme ; en revanche, le nombre d’entrants en classes préparatoires est en hausse. L’enseignement privé se renforce encore et représente plus d’un étudiant sur six.

L’enseignement privé (18% des effectifs) poursuit en effet son essor à la rentrée 2012 avec une hausse de 3,3%, après 2,7% en 2011, 2,5% en 2010 et 8% en 2009.

Sa croissance est plus rapide que celle de l’enseignement public, dont le nombre d’étudiants augmente de 1,1% entre 2011 et 2012. Depuis 2000, les inscriptions dans l’enseignement privé ont augmenté de 57%, soit 158.700 étudiants supplémentaires. Dans le même temps, elles ont légèrement augmenté (4%) dans l’enseignement public, soit 68.000 étudiants en plus. 30% des étudiants du secteur privé sont inscrits dans une école de commerce, gestion et comptabilité, 18% sont en lycée (STS[3], CPGE[4]), 10% sont en écoles d’ingénieurs, 9% sont dans une école préparant au travail social, 7% sont dans les écoles artistiques et cultures, 7% dans des établissements universitaires privés et 7% dans des écoles paramédicales.

La quasi-totalité des écoles de commerce, ainsi qu’une très forte proportion des préparations intégrées et des écoles préparant aux fonctions sociales, sont privées.

75% des nouveaux bacheliers s’inscrivent immédiatement dans l’enseignement supérieur. Plus de la moitié des bacheliers généraux s’inscrivent à l’Université, mais c’est 10 points de moins qu’il y a 10 ans. Plus d’un bachelier technologique sur deux s’inscrit dans une filière professionnelle courte. Les bacheliers professionnels, en forte augmentation, sont de plus en plus nombreux à poursuivre des études supérieures (DEPP-MESR 2013). Il faut rappeler que les baccalauréats technologiques et professionnels (très spécialisés sur des métiers) ont été créés pour permettre une insertion professionnelle directement après le bac. Ces poursuites d’études sont, certes, une réussite de la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur, mais aboutissent souvent à un échec à l’université pour ces étudiants (seuls 20% obtiennent une licence) qui n’y sont pas préparés.

 

Le baccalauréat

En France, toutes les étapes, depuis la conception, l’administration et la correction du baccalauréat, sont contrôlées par l’État, mais il s’agit très clairement d’une exception. En effet, en Europe, seules la Suisse et la Communauté  flamande de Belgique délivrent un certificat  (maturité  ou  baccalauréat)  qui, en tant que premier titre universitaire, permet un accès sans condition aux études supérieures. Ce qui n’est pas le cas en France, nombre de filières  non  universitaires opérant une sélection à l’entrée. Les notes obtenues revêtent une grande importance dans les orientations que les lauréats peuvent envisager pour accéder à certaines filières sélectives. C’est le cas en France et en Allemagne.

En France, comme nous l’avons vu, il y a différents types de baccalauréat : en 2012, 48% (seulement) des diplômes délivrés sont des baccalauréats généraux, 21% des baccalauréats technologiques et 31% des baccalauréats professionnels. En 2012, le taux de réussite au baccalauréat est de 84,5%, chiffre à nuancer selon le type de baccalauréat : 89,6% pour le bac général, 83,2% pour le bac technologique, 78,4% pour le bac professionnel. Notons que les taux de réussite au bac augmente régulièrement : pour le bac. général, on est passé de 75,1% en 1995 à 92% en 2013.

Sur les 569.356 jeunes qui ont obtenu en 2011 le baccalauréat général, technologique ou professionnel en France métropolitaine et dans les DOM, 74,6% se sont inscrits dès la rentrée suivante dans l’enseignement supérieur (hors formations en alternance), soit 3,4 points de moins qu’en 2010. La hausse considérable du nombre de bacheliers professionnels à la session 2011 (+31,6%), qui poursuivent moins que les autres bacheliers dans l’enseignement supérieur, amène mécaniquement une baisse du taux d’inscription moyen. La quasi-totalité des bacheliers généraux accède immédiatement à l’enseignement supérieur. Ce n’est pas le cas des bacheliers technologiques : leur taux d’accès est de 77% en 2011, en baisse par rapport à la rentrée précédente de 0,8 point. La part des bacheliers professionnels qui entre prennent immédiatement des études supérieures progresse depuis 10 ans et s’établit à 28,4%. Ces taux ne tiennent pas compte des poursuites d’études sous contrat d’apprentissage et de professionnalisation ou dans l’enseignement supérieur à l’étranger. L’université demeure la filière privilégiée des bacheliers généraux, mais les attire moins qu’il y a 10 ans. Ils ne sont que 52,1% à prendre une inscription à l’université (hors IUT) en 2011, contre 61,5% en 2001. À la rentrée 2011, 19% des bacheliers généraux se sont orientés dans les filières professionnelles courtes (IUT, STS) : la proportion est stable par rapport à 2010.

L’orientation en classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) concerne 13,2% des bacheliers généraux. Les bacheliers de la série S (scientifique, la plus prestigieuse) se distinguent par la diversité de leurs orientations : 49,5% d’entre eux se dirigent vers une filière générale ou de santé à l’université, 19% s’inscrivent en classes préparatoires, 13% en IUT et 15% dans d’autres formations, en particulier des cycles préparatoires d’écoles d’ingénieurs. Les bacheliers technologiques sont 42% à s’inscrire en STS et 18% en disciplines générales de l’université. Ces deux taux sont relativement stables par rapport à l’année précédente, les filières technologiques courtes restant les principales structures d’accueil de ces bacheliers.

Les bacheliers professionnels qui ont obtenu leur baccalauréat en apprentissage font pour 54% d’entre eux le choix d’arrêter leurs études. Lorsque ces bacheliers poursuivent dans l’enseignement supérieur, ils le font dans la quasi-totalité en alternance. En revanche, les titulaires d’un baccalauréat professionnel obtenu sous statut scolaire sont plus nombreux à accéder à l’enseignement supérieur (50% contre 36% pour ceux qui sont passés par apprentissage), mais pour un tiers d’entre eux seulement en alternance. (DEPP-MESR 2013).

 

 

APB, le portail internet national de préinscription dans le supérieur

A.P.B. (Admission Post Bac) est un portail internet national de coordination des admissions dans l'enseignement supérieur. Il offre la possibilité pour tous les candidats de France et de l'étranger désirant poursuivre des études supérieures de se préinscrire dans un établissement d'enseignement supérieur à partir d'un point d'entrée unique : http://www.admission-postbac.fr/

A.P.B. fonctionne sur la base d'un calendrier commun à toutes les formations. Ce portail permet à chaque candidat de formuler des vœux de préinscription et de recevoir une proposition d'admission, correspondant, dans la limite des places disponibles, à son vœu classé le plus haut possible.

Mais A.P.B. est un portail d'inscription, pas d'orientation. Il permet, selon le site du ministère, aux futurs étudiants de :

  • s'informer sur les cursus offerts et les établissements d'enseignement supérieur

  • émettre des vœux de poursuite d'études

  • suivre leur dossier de candidature

  • effectuer leurs démarches de préinscription

La démarche comporte quatre grandes étapes

  • une phase d'inscription sur internet et de saisie des vœux. Les candidats peuvent formuler 12 vœux maximum par types de formation, soit 36 vœux au total

  • la constitution et l'envoi des dossiers papier de candidature

  • les phases d'admission : 3 phases et une procédure complémentaire

  • l'inscription administrative dans l'établissement

Après des débuts difficiles (par minitel il y a un peu moins de 20 ans) les établissements du secondaire (lycées) ont maintenant mis en place des dispositifs d’aide aux lycéens (conseillers d’orientation, séances d’informations auprès des parents, aide pour les vœux des lycéens, etc.). Cette étape déterminante dans l’accès à l’enseignement supérieur reste pourtant un moment très insécurisant pour les lycéens qui doivent faire des choix avant même d’avoir obtenu le baccalauréat.

 

Un autre mode d’accès à l’enseignement supérieur : la VAE

C’est la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 qui a créé le dispositif de la validation des acquis de l’expérience (VAE). Droit individuel ouvert à tous, ce nouveau droit à la validation des acquis de l’expérience est inscrit au Code de l’éducation et au Code du travail.

C’est une démarche tout à fait innovante. La loi de juillet 1992 créant la VAP (validation des acquis professionnels) qui a précédé la VAE, avait ouvert la voie de la validation des acquis pour l’obtention d’un diplôme en permettant la délivrance d’une partie de celui-ci. La VAE va plus loin. Elle permet par la reconnaissance de l’expérience (professionnelle ou non) d’obtenir un diplôme ou une certification dans sa totalité, et pas seulement une partie du diplôme comme avec le précédent dispositif de 1992. Toute l’expérience peut être prise en compte, qu’elle ait été acquise dans le cadre d’une activité salariée, non salariée ou bénévole dès lors que l’expérience professionnelle d’au moins trois ans, est en relation avec le diplôme visé. Les textes font de la validation des acquis de l’expérience un nouveau mode d’accès à la certification, sans passer par la formation, au même titre que la formation initiale, la formation continue, l’apprentissage.

L’accès à la certification s’applique à toutes les certifications à visée professionnelle (diplômes, titres, certificats), qu’elles soient délivrées par l’État, les branches professionnelles ou des organismes privés. L’octroi des validations relève des jurys de validation de ces trois institutions. Également prescripteurs, ces jurys peuvent accorder des validations partielles, à défaut de la totalité de la certification, et se prononcer sur le parcours restant à accomplir par le candidat (complément de formation, rapport, étude, complément d’expérience...) pour obtenir la totalité de la certification.

Le dispositif de la validation des acquis de l’expérience (VAE) dans les universités ou au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) a connu un développement rapide. Du démarrage de la VAE (loi du 17 janvier 2002) jusqu’en 2005, on constate une montée en charge du dispositif. En 2006, le nombre total de validations délivrées, pour tout ou partie de diplôme ou titre de l’enseignement supérieur, fléchit légèrement avant d’augmenter de nouveau en 2007, et atteindre 4.200 VAE. Depuis, le nombre de validations est de l’ordre de 4.100 par an. Par contre, la part des validations totales sur l’ensemble des validations accordées (pour tout ou partie de diplôme) en VAE continue de croître. Parmi les diplômes octroyés, en tout ou partie, dans le cadre d’une VAE du supérieur, les licences ont très largement augmenté. Elles représentent aujourd’hui près de la moitié des diplômes attribués.

Cette croissance a été fortement portée par le développement de la licence professionnelle. Enfin, avec la mise en place des cursus licence-master-doctorat (LMD[5]) à partir de 2003, la structure des diplômes change : la part des « master ou plus » double entre 2002 et 2011, passant de 22% à 45%.

 

 

 

La formation continue universitaire

Les établissements supérieurs publics ont réalisé en 2008 un chiffre d’affaires de 350 millions d’euros au titre de la formation continue, pour un public de 466.000 stagiaires[6], dont 80% dans les universités. Les trois quarts des recettes sont d’origine privée, dont la moitié est abondée par les entreprises qui deviennent ainsi les premiers contributeurs de la formation continue organisée par les universités pour un public constitué d’un tiers de salariés.

Le doublement du nombre de contrats de professionnalisation et l’allongement de la durée moyenne des stages pratiques en entreprise témoignent du renforcement de la place prise par l’entreprise dans la formation continue universitaire. Les stages courts (31 heures en moyenne) accueillent le tiers des stagiaires des universités dont un quart prépare un diplôme national et 19% un diplôme d’université[7]. 58.000 diplômes (dont 33.000 nationaux) ont été délivrés par les universités en formation continue.

Sur les 216 millions d’euros de chiffre d’affaires dégagés par les universités, les grandes entreprises deviennent les principaux financeurs avec 63 millions d’euros (29% du chiffre d’affaires), soit une augmentation de 3 points. À cela s’ajoutent les 36 millions d’euros collectés par les OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) pour le compte des petites entreprises de moins de dix salariés, soit 17% du chiffre d’affaires. En deuxième position viennent les pouvoirs publics, avec 25% du chiffre d’affaires (en baisse de 3 points), puis les individuels payants et les stagiaires avec 23% du chiffre d’affaires (également en baisse de 3 points). Le reste est abondé par d’autres fonds comme la vente de brevets ou d’ingénierie, dont la contribution reste stable à 6%. Mais à l’université, plus d’un stagiaire de formation continue sur deux finance seul sa formation.

Dans les universités, les instituts nationaux polytechniques (INP) et les universités de technologie (UT) (avec leurs composantes), la croissance des effectifs de stagiaires est de 6 points en 2008, bien que toutes les catégories ne présentent pas la même évolution. Ainsi, trois d’entre elles sont en forte hausse : les stagiaires sous contrat de professionnalisation (+44%), les chômeurs non indemnisés (+18%) et les particuliers hors inter-âges (+22%). Cette dernière catégorie, dont la part dépasse 40% des stagiaires dans six régions (Corse, Haute- Normandie, Centre, Aquitaine, Pays de Loire et La Réunion), regroupe des individuels finançant leur stage, dont certains sont des chômeurs en fin de droit ou des personnes en reprise d’études.

 

Les déterminants des choix d’orientation dans l’enseignement supérieur

À résultats scolaires équivalents, les élèves de terminale optent pour des orientations différentes selon le sexe, le milieu social, le pays d’origine de leurs parents, etc. Ces constats ne sont pas nouveaux. Une recherche récente introduit toutefois une dimension moins explorée : à tous ces facteurs s’ajoutent l’environnement dans lequel les élèves effectuent leur scolarité. La composition sociale du lycée n’est pas neutre et a un impact important sur les aspirations des lycéens. La durée d’études envisagées ou le choix d’une filière élitiste telle que celle visée par les classes préparatoires dépendent, en partie, du lycée fréquenté (Nakhili 2010).

 

Le poids de l’origine sociale

Si l’accès à l’enseignement secondaire, puis supérieur, s’est généralisé à la fin du XXème siècle pour l’ensemble de la population française, des disparités selon l’origine sociale de l’élève demeurent. La sociologie de l’éducation, en France, s’est constituée sur cette question des inégalités sociales à l’école et à l’université dès la fin des années 60 : Bourdieu et Passeron dans les Héritiers (1964) sur l’université, puis dans La Reproduction (1970) furent les premiers d’une longue lignée de sociologues qui analysèrent les inégalités sociales reproduites par l’école et l’université, et le mythe de l’école républicaine ouverte à tous.

L’étude d’Antoine Prost en 1986 dans l’agglomération orléanaise, montra les aspects qualitatifs et quantitatifs de la croissance des effectifs. Dans son livre : L'Enseignement s’est-il démocratisé ?, il conclue à la relative démocratisation des classes de sixième due à l’influence et au rôle des instituteurs, et à une démocratisation limitée dans la classe de terminale. La répartition entre les enseignements techniques et l’enseignement général  « reproduit » la répartition de la société en termes de classes sociales.

D’autres recherches plus récentes montrent les différences selon l’origine sociale pour l’obtention du baccalauréat, le type de baccalauréat obtenu et le niveau du plus haut diplôme. Il y a eu, selon Duru-Bellat et Kieffer (2008) déplacement et recomposition des inégalités dus aux paradoxes de la démocratisation de l’école (Boudon, Bulle, Cherkaoui  dir. 2001).

E effet, les développements quantitatifs des enseignements secondaires, puis supérieurs, ont permis d’ouvrir l’école à une population plus large. La part des jeunes possédant le baccalauréat a fortement augmenté, passant de 40% pour les générations nées entre 1966 et 1970 à 62% pour celles nées entre 1976 et 1980. Cette part augmente ensuite légèrement sur les dernières générations (68% pour les jeunes nés entre 1986 et 1990). Cette évolution d’ensemble masque cependant des disparités sociales importantes. Ainsi, un enfant de cadre obtient plus souvent le baccalauréat qu’un enfant d’employé ou d’ouvrier : 85% contre 57% pour la dernière génération. Moins forte que pour les générations des années 1960, cette différence n’a pratiquement pas varié depuis une décennie, entre les générations des années 1970 ou 1980. Le type de baccalauréat obtenu par les jeunes diffère également selon la catégorie socioprofessionnelle de leurs parents. En 2012, 48% des diplômes délivrés sont des baccalauréats généraux, 21% des baccalauréats technologiques et 31% des baccalauréats professionnels. Mais, si 76% des lauréats enfants de cadres obtiennent un baccalauréat général, 14% un baccalauréat technologique et seulement 10% un baccalauréat professionnel, la répartition est de respectivement 31%, 23% et 46% pour les enfants d’ouvriers.

Par ailleurs, parmi les jeunes ayant terminé leur formation initiale en 2009, 2010 ou 2011, les enfants de cadres et de professions intermédiaires sont bien plus nombreux que les enfants d’ouvriers et d’employés à posséder, pour plus haut diplôme, un diplôme du supérieur (respectivement 61% contre 31%). Ils sont, en revanche, moins nombreux à posséder, au plus, le baccalauréat (respectivement 25% contre 29%), le CAP-BEP[8] (7% contre 20%) ou le brevet ou aucun diplôme (7% contre 20%). Ces disparités sont relativement stables par rapport aux sortants des années 2002 à 2004. (DEPP 2013)

Malgré une démocratisation certaine de l’enseignement supérieur,  l’accès des lycéens aux différentes filières reste cependant très marqué par leur appartenance sociale. D’après les données du ministère de l’Éducation nationale, les enfants de cadres représentent 15% des entrants en sixième et 55% des inscrits en première année de classes préparatoires sept ans plus tard. Inversement, les enfants d’ouvriers représentent 38% des entrants au collège et ne représenteront que 9 % des entrants en classe préparatoire.

La construction du parcours scolaire et les choix d’orientation obéissent à des mécanismes complexes. Ils font intervenir des variables individuelles, parmi lesquelles l’appartenance sociale. Les effets sont cumulatifs. Ils vont d’abord jouer sur la réussite scolaire, et donc sur l’orientation. Ils interviennent ensuite, toujours aux côtés d’autres facteurs individuels, sur les goûts et les souhaits. La typologie de François Dubet (1994) est éclairante : dans une université de masse, les publics, les carrières et les conditions de vie des étudiants se sont diversifiés et fractionnés, engendrant un éclatement des formes de l'expérience étudiante. L’article propose une typologie de l'expérience étudiante à travers la combinaison de trois dimensions élémentaires : la nature du projet poursuivi, le degré d'intégration dans la vie universitaire et l'engagement dans une « vocation » intellectuelle.

 

Les étudiants étrangers[9]

En 2012, le nombre d’étudiants étrangers est de 289.000. Leur part dans l’enseignement supérieur est stable à un peu plus de 12%. Mais il faut bien comprendre qu’il s’agit d’étudiants se déclarant comme de nationalité étrangère. En fait, en 2009, 53.000 étrangers avaient obtenu un titre de séjour pour étudier en France, et les étrangers venant pour faire des études en France ne représentent que près de 18% de l’ensemble des étrangers. Un cinquième d'entre eux est originaire du Maghreb. Ils sont quasiment autant à être originaires de Chine.

Le nombre d’étudiants étrangers en France métropolitaine et dans les DOM a connu un essor considérable depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Entre 1998 et 2005, il a progressé de 74,8%. En 2006 et en 2007, les effectifs d’étudiants étrangers ont baissé avant d’augmenter à nouveau en 2008 (+1,9%) et même fortement en 2009 (+4,8%) et en 2010 (+2,5%). Ils augmentent encore, mais plus faiblement en 2011 (+1,3%).

Depuis 2004, le nombre d’étudiants étrangers a presque doublé dans les formations d’ingénieurs ou les écoles de commerce, gestion, vente et comptabilité. Il a augmenté de plus de 6% dans les disciplines universitaires générales et de santé, de 3% dans les IUT et de près de 10% dans les CPGE. En revanche, il a diminué de près d’un tiers dans les STS.

C’est dans les instituts nationaux polytechniques (INP) et les universités de technologie que la proportion d’étudiants étrangers est la plus forte (21,2%). En revanche, les proportions d’étudiants étrangers en écoles paramédicales et sociales, formations comptables non universitaires, instituts universitaires de technologie (IUT), sections de techniciens supérieurs (STS) et classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) sont faibles (entre 0,7% et 5,9%).

En 2012, les universités accueillent 75% des étudiants étrangers; ceux-ci y représentent 14,8% des inscrits. Cette proportion augmente fortement avec le niveau du cursus : ils représentent 11,0 % des inscriptions en cursus licence, 18,0% en cursus master et 41,4% en cursus doctorat.

À l’université, près d’un étudiant étranger sur cinq est originaire de l’Union européenne (19,3%), près d’un sur deux est originaire d’Afrique (46,0%) et un sur cinq (21,4%) est asiatique. L’origine géographique varie avec le niveau/degré de la formation à l’université. Ainsi, on constate une plus forte représentation des étudiants originaires d’Asie en cursus doctorat, où ils représentent plus de 30,8% des étudiants étrangers inscrits, contre 21,3% en cursus licence et 19,0% en cursus master.

 

La place des filles

La scolarisation des filles dans l’enseignement supérieur ne s’est plus fortement développée que celle des garçons. En 2011, le taux de scolarisation des filles de 17 à 29 ans dans l’enseignement supérieur est supérieur à celui des garçons quel que soit l’âge ; en 1991, le taux de scolarisation des garçons devenait supérieur à celui des filles à partir de 26 ans. En 2011, 48,5% des filles de 20 ans sont scolarisées dans l’enseignement supérieur contre 40,0% des garçons, soit un écart de 8,6 points en faveur des filles. En 1991, les taux respectifs étaient de 38,1% et 30,3%, soit un écart de 7,8 points. En 2012, 55,4% des étudiants de l’enseignement supérieur sont des filles.

Depuis 1980, le nombre d’étudiantes dépasse celui des étudiants en France. La proportion d’étudiantes n’a ensuite que très modérément progressé (+ 0,9 point sur les dix dernières années). Elle varie de surcroît considérablement selon le type d’études. Dès l’expression des choix d’orientation en classe de terminale, les filles, quels que soient leurs origines sociales et leurs parcours scolaires, se dirigent moins que les garçons vers des filières sélectives telles que les classes préparatoires aux grandes écoles ou les études de santé. Largement majoritaires dans les formations paramédicales ou sociales (83,5%), les filles sont minoritaires dans les formations les plus sélectives (CPGE, IUT avec 40%) et, surtout, dans les filières à caractère scientifique (27% des effectifs des écoles d’ingénieurs, 29,7% des étudiants de CPGE en filière scientifique). Cependant, en douze ans, la part des étudiantes augmente dans la plupart des formations. La progression la plus importante est observée dans les écoles d’ingénieurs (+4,8 points en douze ans), et surtout dans les formations universitaires de santé (médecine, odontologie et pharmacie) (+5,4 points). Ces clivages se retrouvent à l’université où les jeunes femmes représentent globalement 58,4% de la population étudiante. Les étudiantes sont proportionnellement plus nombreuses en cursus master (59,3%) et en cursus licence (56,2%) qu’en cursus doctorat où elles sont minoritaires, même si leur part augmente (48,0% en 2012). C’est également dans les disciplines plus littéraires que la part des femmes est plus élevée : en langues (73,9%) ou en lettres-sciences du langage (70,3%). Elles restent très minoritaires en sciences fondamentales et applications (27,9%). Les femmes représentent désormais 62,2% des étudiants de médecine-odontologie. En IUT, elles sont majoritaires dans le secteur des services (50,8% des étudiants), mais minoritaires dans le secteur de la production (23,8% des étudiants).

Il s’agit là d’un processus d’auto-sélection des filles (Duru-Bellat 1989), qui ne se lancent pas dans des parcours qu’elles jugent « masculins ». Filles et garçons intériorisent les stéréotypes et continuent à se conformer à ce qui est reconnu comme leur domaine respectif de compétence dans les schémas socioprofessionnels. La persistance des choix sexués est autant le fait des garçons que des filles : ils anticipent des rôles adultes en fonction de représentations stéréotypées.

Par exemple (DEPP 2014): 

  • quand ils se jugent très bons en mathématiques, huit garçons sur dix vont en filière scientifique

  • quand elles se jugent très bonnes en mathématiques, six filles sur dix vont en filière scientifique.

Les différences d’orientation entre filles et garçons ont des conséquences sur leur insertion dans l’emploi.

 

Les politiques d’aides aux étudiants

Des aides directes et indirectes très importantes

Les aides aux étudiants se décomposent en aides directes et aides indirectes : les aides directes sont constituées par les bourses, secours d’études et prêts d’honneur. Depuis la rentrée 2008, l’allocation unique d’aide d’urgence fait partie du fonds national d’aide d’urgence (FNAU). Figurent aussi dans les aides directes, l’allocation de logement social (ALS) ou l’aide personnalisée au logement (APL) versées par la CNAF[10]. S’ajoutent également pour certaines familles, divers avantages fiscaux tels que la réduction d’impôt pour étudiant à charge et l’octroi d’une demi-part supplémentaire pour rattachement au foyer fiscal. Cet avantage fiscal représente, comme nous allons le voir, des sommes considérables.

Les aides indirectes sont les œuvres sociales des CROUS[11], les aides aux associations, l’exonération des droits d’inscription pour les boursiers, les personnels médicaux et sociaux des universités ainsi que la charge due au déficit de sécurité sociale étudiante (écart entre les prestations et les cotisations versées par les étudiants) et imputée sur d’autres régimes.

En 2012, les aides aux étudiants atteignent 5.994,6 millions d’euros. Elles s’élevaient à 3.510,7 millions d’euros en 1995. Cela correspond à une progression de 70,8% en prix courants et de 31,0% en prix constants entre 1995 et 2012. En 2012, les aides de l’État représentent près de 91% de l’ensemble des aides retenues ici, les autres aides (sécurité sociale et universités elles-mêmes) en constituent plus de 9%.

Les aides directes de l’État représentent en 2012 près de 60% du total et, à elle seule, l’allocation de logement social (ALS) pèse environ 24%, soit plus de 1,4 milliard d’euros. Elle affiche une augmentation de 63,1% par rapport à 1995 en euros constants (prix de 2012). Les bourses et prêts, autres formes d’aides directes, demeurent néanmoins la dépense la plus importante au titre de l’action sociale en faveur des étudiants avec près de 1,9 milliard d’euros (31,2% du total), en progression de 54,5% par rapport à 1995 en euros constants. La principale aide fiscale, constituée par la majoration du quotient familial pour les enfants rattachés au foyer fiscal de leurs parents, représente un peu plus de 1,2 milliard d’euros, soit 20,3% du total des aides. Cela représente une baisse de 0,9% par rapport à 1995 en euros constants.

Les autres aides sont essentiellement constituées de la contribution des différents régimes de sécurité sociale au financement des assurances sociales des étudiants. Cette contribution, dont le montant atteint 539,3 millions d’euros en 2012, soit 9,0% du total des aides, est en progression de 10,3% par rapport à 1995 en euros constants.

Les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) gèrent les bourses, les restaurants et les résidences universitaires dépendant de l’enseignement supérieur. Les restaurants universitaires ont servi plus de 49,6 millions « d’équivalents repas » pendant l’année scolaire 2012-2013, en hausse par rapport à l’année 2011-2012. Le prix du ticket restaurant était fixé  à 3,15 euros pour la rentrée 2013-2014. En 2012-2013 les résidences universitaires proposent 166.000 places pour les étudiants. Le tarif de la redevance mensuelle varie de 150,9 euros par mois pour une chambre non réhabilitée à 336,4 euros par mois pour un studio de 16 à 22 m2 en Île-de-France (aide au logement non déduite).

Les bourses sur critères sociaux sont accordées en fonction des ressources (revenus déclarés bruts) et des charges de la famille appréciées selon un barème national qui détermine le montant annuel de la bourse et qui croît de l’échelon 0 à l’échelon 6 (échelon pour les ressources les plus faibles créé au 1er janvier 2008). En 2012, le nombre de boursiers sur critères sociaux augmente à chaque échelon sauf à l’échelon 2. C’est à l’échelon 0 que l’augmentation est la plus forte (+4,6%), signe de la paupérisation du monde étudiant. Dans les autres échelons, l’augmentation se situe autour de 1%. La structure des boursiers par échelon se modifie : depuis trois ans, l’échelon 0 est celui qui regroupe le plus de boursiers (22,1% en 2012-2013) tandis que l’échelon 6 passe en seconde position, avec 18,9% des étudiants boursiers.

Ces bourses ne peuvent être attribuées qu’aux étudiants en formation initiale, suivant des études à temps plein, dans une formation habilitée par le ministère chargé de l’enseignement supérieur à recevoir des boursiers, avec des conditions sur l’âge, la nationalité et le diplôme. La proportion de boursiers représente 35,2% des étudiants en 2012-2013. À la rentrée 2012, 466.000 boursiers sur critères sociaux étudient à l’université. L’université accueille ainsi près des trois quarts des étudiants boursiers alors qu’elle comptabilise 61% des effectifs du supérieur.

La proportion de boursiers sur critères sociaux est largement plus élevée en IUT[12] (43,2%). Elle est également supérieure à la moyenne universitaire en sciences humaines et sociales (37,8%) et en lettres - arts - langues (37,7%). À l’inverse, la part des étudiants boursiers est faible en droit - sciences politiques (32,2%), dans les disciplines médicales (31,1%) et les sciences économiques (31,2%). Depuis la rentrée 2006, la part des boursiers sur critères sociaux a augmenté de 8 points à l’université.

Dans les autres secteurs de l’enseignement supérieur, c’est en STS[13] que la part des étudiants boursiers est la plus élevée (45,4%). Avec 27,8%, les Classes Préparatoires aux Grandes Écoles (CPGE), relativement sélectives, connaissent le plus faible taux. Cette part a néanmoins fortement augmenté, notamment depuis la rentrée 2008. Auparavant, elle n’atteignait pas 20%. La proportion de boursiers est révélatrice des milieux sociaux d’origine...

Devant les difficultés graves d’un certain nombre d’étudiants, un fonds national d’aide d’urgence (FNAU), a été mis en place à la rentrée 2008 : il permet d’apporter une aide financière rapide et personnalisée, ponctuelle ou pour la durée de l’année universitaire, aux étudiants de moins de 35 ans rencontrant de graves difficultés et à ceux qui doivent faire face à des difficultés pérennes, comme la rupture familiale, la situation d’indépendance avérée (41.200 étudiants en 2012). Il est possible de cumuler les deux aides, ponctuelle et annuelle (764 étudiants en 2012-2013) ou de percevoir à la fois une bourse sur critères sociaux et l’aide d’urgence ponctuelle (14.826 étudiants concernés).

En 2012-2013, 651.000 étudiants reçoivent au moins une aide financière. Ils sont un peu plus nombreux que l’année précédente. Avec 35,8% d’étudiants aidés, cette proportion demeure néanmoins plus élevée qu’avant la rentrée 2008, où elle se situait aux alentours de 30%.

Les boursiers sur critères sociaux, au nombre de 631.000 soit près de 97 % des étudiants aidés, sont en hausse de 1,7%, rythme légèrement supérieur à la hausse des effectifs étudiants. En effet, le barème des bourses sur critères sociaux est identique en 2011 et en 2012. Les montants des bourses sur critères sociaux ont été revalorisés de 2,1% pour tous les échelons entre 2011 et 2012. L’inflation estimée est de 2,2% (inflation moyenne entre juillet 2012 et juin 2013) sur la période. Le pouvoir d’achat des bourses est donc stable pour tous les échelons.

 

Les conditions de la  vie étudiante

La « vie étudiante » ne fait pas l’objet d’une définition consensuelle dans les différents contextes nationaux et au sein même des pays. A fortiori, les politiques publiques en matière de vie étudiante varient aussi fortement dans leur logique de mise en œuvre. En France, elles s’envisagent plutôt à partir des contraintes structurelles, économiques et sociales, auxquelles les étudiants font face. La vie étudiante, au sens large, comprend l’ensemble des activités des étudiants au-delà de la formation proprement dite, de leur premier contact avec l’université jusqu’à leur sortie des études supérieures. On peut distinguer deux types de services rendus aux étudiants : les services péri-universitaires, c’est-à-dire  intrinsèquement liés à la formation, et les services para-universitaires davantage liés aux conditions de vie.

A priori, certains champs d’intervention relèvent  totalement de la première catégorie : accueil des nouveaux étudiants, information et orientation, accompagnement pédagogique, insertion professionnelle, prise en compte de la diversité des publics (handicap, reprise d’études…), soutien à la mobilité des étudiants, etc. D’autres dépassent le seul cadre de l’accompagnement à la formation : vie sociale (logement, restauration, transports…), vie associative, culturelle et sportive, etc.

Cette frontière entre services péri et para-universitaires est perméable. La plupart de ces champs embrassent une palette de services, certains proches de la formation, d’autres plus éloignés. Ainsi, en matière de santé et de prévention, certaines dimensions sont directement liées aux études (stress et conduites à risque) quand d’autres aspects relèvent de problèmes généraux de santé des individus, étudiants ou non (suivi médical régulier). Cette distinction dépend aussi du contexte de la formation.

Ainsi, pour des étudiants dans les filières de “sciences et techniques des activités physiques et sportives”, la pratique sportive s’inscrit dans le cadre même de la formation. Les universités s’engagent de manière variable dans ces champs d’intervention. La formation constitue leur activité principale, mais elles sont aussi systématiquement responsables de services péri-universitaires et développent parfois d’autres services para-universitaires. (Centre d’analyse stratégique 2012)

La culture universitaire française et la structure des aides aux étudiants étant prises en charge par l’État ou d’autres structures (CROUS), ces services aux étudiants, essentiels dans l’accès à l’enseignement supérieur ne sont pas comprises, en France, comme faisant partie des activités de l’université. En France, c’est l’État qui est principalement responsable de l’organisation et du financement de la politique de vie étudiante, si bien que les universités l’ont, jusqu’à récemment, peu intégrée dans leurs préoccupations. Mais, dans le cadre de la Loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite LRU, la quasi-totalité des universités ont accédé aux responsabilités et compétences élargies le 1er janvier 2012. Avec une plus grande autonomie financière, les universités peuvent (et devront !) davantage élargir les champs de services rendus aux étudiants, au-delà de la seule offre de formation.

 

L’État français s’est fixé l’objectif d’atteindre 50% de diplômés du supérieur dans une génération et les profils des étudiants vont davantage se diversifier avec l’accroissement à venir des effectifs de bacheliers professionnels. C’est pourquoi l’enjeu essentiel pour les universités est d’améliorer les conditions de réussite de leurs étudiants et, ainsi, renforcer leur attractivité nationale et internationale. À cet égard, l’offre de services aux étudiants constitue un enjeu majeur, en tant qu’élément d’accompagnement à la réussite des parcours d’études.

 

Conclusion

La stratégie « Europe 2020 » a fait du développement de l’enseignement supérieur un objectif prioritaire. Elle fixe à 40 %, au moins, la proportion des jeunes de l’Union européenne âgés de 30 à 34 ans qui devront être diplômés de l’enseignement supérieur à l’horizon 2020. Seuls douze pays, dont la France, ont atteint cet objectif. Cela fait plus de 40 ans que la France fait du développement de l’enseignement supérieur une politique prioritaire, même s’il faut noter que ce sont les filières professionnelles qui sont particulièrement soutenues ces dernières années, et non les filières généralistes de l’université.

Comme nous avons pu le voir, la France investit beaucoup pour les aides aux étudiants, que ce soit pour les bourses ou les allocations logement. Cela a permis une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur, même si les inégalités sociales d’accès persistent, car elles se sont mises en place dès le lycée, avec les différences entre les lycées (généraux, techniques ou professionnels) et les séries du baccalauréat.

La coexistence d’un secteur « ouvert » (l’essentiel de l’université) et d’un secteur sélectif (tout le reste) a des effets pervers. Les étudiants qui entrent à l’université le font souvent en second choix, parce qu’ils n’ont pas postulé ou n’ont pas été reçu dans une filière sélective. Ou simplement parce qu’ils (ou elles) n’avaient pas de projet universitaire ou professionnel. Ce constat concerne surtout les filières de lettres ou de sciences humaines et sociales. (Dubet et allii 2010)

Face à des étudiants peu motivés, les universitaires sont, eux aussi, peu investis pour accueillir ces étudiants et se concentrent sur leurs activités de recherche (Fave-Bonnet 2002).

Autre effet pervers : certains jeunes s’inscrivent à l’université pour avoir un statut (et non pour y faire des études), bénéficier des bourses et allocation logement, plutôt que d’être au chômage sans pouvoir bénéficier d’allocation chômage. Du point de vue des statistiques, cela fait moins de chômeurs… Du point de vue économique, cet investissement sur l’enseignement supérieur est couteux, mais il garantit une chance pour chacun et une paix sociale étudiante…. Mais du point de vue de l’insertion des jeunes dans le monde des adultes, c’est, pour beaucoup, une période de désillusions et d’amertume inutiles.

 

Références bibliographiques

Boudon, Raymond, Bulle, Nathalie et Cherkaoui, Mohamed. Sous dir. 2001. École et société : les paradoxes de la démocratie. Paris. PUF.

Bourdieu, Pierre, et Passeron, Jean-Claude. 1964. Les héritiers. Les étudiants et la culture. Paris, Éditions de Minuit.

Bourdieu, Pierre, et Passeron, Jean-Claude. 1970. La reproduction. Éléments pour une théorie du système d’enseignement. Paris. Éditions de Minuit.

Centre d’analyse stratégique. 2012. Quels services rendus aux étudiants par les universités ? Les enseignements d’expériences étrangères. Note d’analyse. N° 292.

DEPP. 2011. La formation continue universitaire accentue son caractère professionnalisant en 2008. Note d’information. No 11-08.

DEPP. 2013. La validation des acquis de l’expérience (VAE) dans les établissements d’enseignement supérieur de 2002 à 2011, Note d’information. No 13-29. 

DEPP. 2014. Diplômés de l’enseignement supérieur : situations contrastées en Europe. Note d’information. N°.5.

DEPP. 2014. Filles et garçons sur le chemin de l'égalité, de l'école à l'enseignement supérieur. Note d’information. No.6.

DEPP-MEN. 2013. Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche. Paris.  

DEPP-MESR. 2013. Direction de l’évaluation, de la performance et de la prospective- Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’état de l’École. N° 23.  

Dubet, François. Duru-Bellat, Marie et Vérétout, Antoine. 2010. Les sociétés et leur école. Emprise du diplôme et cohésion sociale. Paris, Éditions du Seuil.

Duru-Bellat, Marie.1989. L'École des filles. Quelles formations pour quels rôles sociaux? Paris. L'Harmattan.

Duru-Bellat, Marie et Kieffer, Annick. 2008. Du baccalauréat à l'enseignement supérieur en France : déplacement et recomposition des inégalités. Population. Vol. 63 : 123-157.

Endrizzi, Laure. 2013. Les lycées, à la croisée de tous les parcours ». Annexe. Dossier de veille de l’IFÉ. N°88 (consulté le 2 avril 2014: http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accueil&dossier=88&lang=fr).

Fave-Bonnet, Marie-Françoise. 2002. Conflits de missions et conflits de valeurs : la profession universitaire sous tension. Connexions. 2/ 2002 (no 78) : 31-45.

Nakhili, Nadia. 2010. Orientation après le bac: quand le lycée fait la différence. BREF. Bulletin  de  recherche  emploi-formation du Céreq. N° 271.  

Prost, Antoine. 1986. L'Enseignement s'est-il démocratisé ? Paris. P.U.F.



[1] On trouve aussi dans les lycées des sections de techniciens supérieurs qui préparent en deux ans à un brevet de technicien supérieur. De nombreuses écoles privées préparent aussi à ce brevet de technicien supérieur.

[2] En effet, curiosité française, les masters (durée de 2 ans après une licence de 3 ans) ne sont pas sélectifs pour l’entrée dans leur 1ère année : lors de la mise en place du Processus de Bologne (appelé LMD en France), les ministères ont renoncé à instaurer une entrée sélective en début de master par peur des réactions des syndicats étudiants...

[3] Sections de Techniciens Supérieurs : 2 ans d’études après le baccalauréat dans les lycées ou en établissements privés.

[4] Classes préparatoires aux Grandes Écoles (ingénieurs, etc.) dans les lycées prestigieux.

[5] Terme sous lequel le ministère de l’époque a mis en place le Processus de Bologne.

[6] C’est sous ce terme de « stagiaire » qu’on désigne les étudiants de formation continue, souvent déjà des professionnels, pour les distinguer des « jeunes «  étudiants de formation initiale.

[7] Un diplôme « national » est certifié et délivré par l’État (le ministère). Un diplôme d’université est certifié et délivré par une université.

[8] CAP = Certificat d’Aptitude Professionnelle ; BEP = Brevet d’études professionnelles, préparés essentiellement dans des lycées professionnels.

[9] Sont pris en compte dans les différentes enquêtes de recensement des étudiants inscrits en France, les étudiants se déclarant de nationalité étrangère, ce qui inclut ceux ayant effectué leur scolarité du secondaire dans le système scolaire français.

 

[10] Caisse Nationale d’allocations familiales.

[11] Crous : Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires. Les Crous gèrent l’ensemble du dispositif d’action sociale en faveur des étudiants dépendant de l’enseignement supérieur, à savoir les bourses, les restaurants et les résidences universitaires.

[12] Institut Universitaire de Technologie, délivrant des diplômes professionnels à bac. +2.

[13] Sections de Techniciens Supérieurs, en lycées ou dans des organismes privés.

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